L’antre du silence

Le jour s’est levé. Avant de quitter le temple, tu jettes un œil à l’extérieur. La tempête s’est apaisée. Le ciel s’est dégagé, promettant une ascension plus calme que la veille. Tu te mets en route.

Le Temple de l’Équité disparaît peu à peu derrière toi. Tu t’enfonces dans la montagne, seul. Le silence t’accompagne. Pas celui de l’absence, non, celui, bienfaiteur qui murmure à l’âme.

Le ciel s’obscurcit tout à coup. Le temps, dans cette contrée, est capricieux. Tu pensais avoir le temps de trouver un abri pour la nuit, mais la nouvelle tempête ne te laisse guère d’espoir. Trop tard pour faire marche arrière. Tu presses le pas, dans l’espoir de trouver refuge avant que les éléments ne t’engloutissent.

Le froid et le vent s’intensifient. Tes forces s’amenuisent, tout comme ton espoir. Tu chutes lourdement, incapable de te relever. Dans le flou des flocons et le hurlement du vent, une lueur perce la nuit. Elle se rapproche. Tu aperçois une silhouette penchée sur toi… puis, à bout de force, tu t’évanouis.

Tu te réveilles dans un endroit sombre. Quelques bougies diffusent une lumière vacillante, des parchemins anciens tapissent les murs. Tu te redresses lentement et découvres un vieil homme assis près du feu. Sa barbe est longue et son visage encapuchonné. Un rictus se dessine sur ses lèvres.

“Tu es enfin réveillé ? Voilà trois jours que tu étais inconscient. Le temps est incertain en cette saison… Il n’est pas recommandé de s’aventurer dans les montagnes. Tu n’as d’autre choix que d’attendre ici la fin de l’hiver si tu ne veux pas mourir prisonnier des neiges.”

Tu rejoins ton hôte près du feu. Il te tend un bol avant de retourner à ses écrits, te laissant seul, face à toi-même, dans un silence lourd. Tu examines les parchemins sur les murs. Ils ressemblent beaucoup au mystérieux parchemin que t’avait confié le Hiérophante. Peut-être trouveras tu ici des réponses.

Les jours passent, peut-être des semaines, le temps s’efface. Le vieil homme t’observe parfois, échange quelques mots, mais bien souvent se tait. Pourtant, tu as l’impression d’apprendre davantage en l’observant qu’à travers mille discours. “Tu cherches des réponses à l’extérieur. Mais les vraies ne se montrent que lorsque le tumulte s’apaise,” te confie-t-il un soir. “Si tu regardes dans l’obscurité, c’est là que la lanterne prend tout son sens.”

À sa demande silencieuse, tu écris dans un journal qu’il t’a donné. Tu médites et t’aventures en toi-même. Progressivement, tu apprends à reconnaître ta propre lumière intérieure.

Un matin, avant l’aube, tu trouves l’Hermite déjà debout, sa lanterne allumée.

“Il est temps.”

La neige commence à fondre. Les chemins, lentement, se rouvrent. Mais tu sais que ce n’est pas le même voyageur qui reprendra la route. Tu as changé. Tu ne poursuis plus les réponses, tu accueilles l’expérience de l’instant et comprends que les réponses viendront d’elle-même et qu’elles sont déjà là, au plus profond de toi.

L’Hermite te tend sa lanterne.

“Tu n’en auras peut-être pas besoin. Mais elle saura où te mener.”

Sans un mot de plus, il disparaît dans l’obscurité comme s’il n’avait été qu’un rêve.

Les différentes significations du L’Hermite

L’Hermite est le neuvième arcane majeur. Le 9 symbolise souvent un moment de bilan, une étape charnière où l’on se retourne sur le chemin parcouru.

Dans le Tarot de Marseille, il avance lentement, courbé, tenant sa lanterne à hauteur du cœur. Cette lumière, tournée vers l’arrière, éclaire le passé. Elle symbolise la sagesse acquise par l’expérience, celle qui ne s’enseigne pas, mais se vit. Son regard intérieur et son silence profond lui permettent de discerner les vérités cachées. L’Hermite sait que les réponses ne viennent pas du bruit extérieur, mais des profondeurs de l’âme, là où naissent les plus grandes prises de conscience.

Dans le Rider-Waite-Smith, l’Hermite est représenté seul au sommet d’une montagne, tenant sa lanterne en avant, suspendue dans l’obscurité.

Ici, il devient un véritable guide : non seulement pour lui-même, mais aussi pour ceux qui cherchent la lumière. Sa position en hauteur évoque l’élévation spirituelle, la clarté après une longue ascension. Il symbolise le retrait nécessaire pour accéder à une vérité plus haute, celle qui ne se révèle qu’au terme d’un chemin intérieur exigeant, mais profondément libérateur.

Dans un tirage :

Solitude choisie
sagesse
Introspection
Expérience
Silence
Guide
Cheminement
Initiation

ASPECT SOMBRE

Dans son aspect sombre, l’Hermite peut se perdre dans l’isolement. Le repli sur soi, d’abord salutaire, devient alors une fuite du monde, un refus de lien. La solitude se transforme en enfermement, et la lanterne, au lieu d’éclairer, vacille ou s’éteint. C’est la figure du sage coupé de la vie, muré dans ses pensées, qui refuse d’avancer. L’introspection devient rumination, et la quête intérieure se fige.

L’Hermite inversé nous invite à nous demander : cherchons-nous vraiment la lumière, ou nous cachons-nous dans l’ombre ?

L’Hermite à travers différents Tarots

Dans cette interprétation moderne, la lumière ne provient plus de la lanterne. Elle émane de l’intérieur de soi, signe d’une sagesse déjà éveillée. La lanterne, désormais inutile, repose au sol, abandonnée au pied d’un escalier symbolisant l’élévation. L’Hermite n’est plus en quête de lumière extérieure : il s’élève, guidé par sa propre clarté intérieure

Dans cette version pleine de douceur, l’Hermite est un renard blotti dans son terrier, bien à l’abri du tumulte du monde. Le silence et la solitude sont choisis, nécessaires pour se reconnecter à soi, dans un cocon protecteur.

On retrouve la version traditionnelle de l’hermite. un vieux sage, appuyé sur son bâton, avance prudemment, sa lanterne à la main. Elle éclaire un paysage nu, presque désolé, où tout semble figé dans le silence.